Quelles différences entre Luther et Calvin à propos de la Cène ?

Toute la question débattue entre Réformateurs à propos de la Cène consiste à déterminer la nature exacte de la relation à instituer entre le signe (le pain et le vin) et la réalité signifiée (le corps et le sang du Christ). En d'autres termes, toute la dispute tourna autour de la manière dont on est susceptible de participer ou de «communier» (I Corinthiens 10.16) au corps et au sang du Christ offert pour nous.
La position de Luther était qu'il y avait bel et bien du pain et du vin, mais que par sa parole le Christ se rendait aussi présent, s'offrait une fois encore à nous dans ce pain et ce vin. De même qu'en Jésus il y avait un homme et que pourtant il était vraiment Dieu, de même, dans le pain de la Cène, il y a du pain et pourtant c'est le Christ qui s'offre à nous en son corps. Le paradoxe de l'incarnation se répète en quelque sorte dans la Cène.
Calvin trouvait que Luther donnait une interprétation trop matérielle des paroles d'institution de la Cène. Le corps du Christ est par trop localisé dans les espèces. Et il rétorquait que le corps du Christ est maintenant au ciel. Il n'est pas dans ce morceau de pain et dans tous les morceaux qui sont partagés par des chrétiens sur terre... Calvin voit dès lors dans le pain et le vin des signes. En tant que simples signes, ils renvoient à une réalité distincte d'eux. Le signe routier sur lequel il est écrit Paris n'est pas Paris, mais indique la direction de Paris. Ainsi en est-il du pain et du vin accompagnés de paroles qui font, elles aussi, parties du signe.
Ces signes sont, pour Calvin, «certains» en ce sens que ce qu'ils indiquent - la communion au corps et au sang du Christ - s'accomplit vraiment au travers d'eux. Le pain et le vin sont donc appelés corps et sang non au sens où le corps et le sang seraient «enclos» en eux, mais dans la mesure où ils sont les instruments visibles d'une réalité invisible : la participation réelle au Christ. Comment cette participation se produit-elle ? Certainement pas par la présence substantielle du Christ dans les aliments consommés. Elle se produit par un effet du Saint-Esprit. L'Esprit utilise le pain, le vin, les paroles pour nous permettre de communier au Christ donnant sa vie pour nous. C'est à ce titre que la participation du chrétien au corps et au sang est dite «spirituelle» par Calvin. Elle a lieu grâce à l'Esprit.